A day in the colonial life of... (18h-23h)
La tranche 13h-17h59, allez savoir pourquoi, j'ai moins envie. Ellipsons. Le soleil se couche, je remonte dans mon taxi, s'il reste quelques traces de lumière, je flotte un moment dans cette piscine dont il faut bien qu'elle serve à quelque chose, je fais couler un bain, entre deux eaux je lis je bois du jus d'ananas dans quoi je dilue le contenu d'un fruit de la passion. J'essaie de mâcher les petites graines de la pulpe du maracuja en tournant les pages avec les doigts humides, c'est beaucoup d'efforts. J'ai déjà fini mon Chloé Delaume. Je commence Au dessous du volcan.
Ou je mange dehors. Je mange au restaurant indien, par exemple. Réellipsons. Après il est très tard, au moins 22 heures, je peine à trouver un taxi parce qu'ici c'est le milieu de la nuit, ils me répondent pas puis finalement l'un d'eux m'assure qu'il m'envoie quelqu'un, je sais bien que Mzungu Doll elle abuse, 22 heures, on est tout de même bien avancé « dans la noirceur » pour parler comme un avocat québéquois. D'autant que l'éclairage public... Non, soyons juste, l'éclairage public existe, autour du tribunal et autour du rond-point de Clocktower. C'est toujours un peu surprenant d'ailleurs. D'y voir dans l'obscurité, on avait oublié que c'était possible. On remonte la Old Moshi Road, on arrive à Clocktower, et chaque fois, oui, je m'enchante d'y voir à 10 mètres. Il n'y a rien à voir. À 22 heures les locaux sont couchés depuis longtemps. Ou ils sont au Colobus. Mais le Colobus, j'irai pas.
La pluie s'écrase sur le toît de la voiture, on ne voit plus rien. Plus de route. Juste les phares des voitures qui s'approchent, que le chauffeur tente d'évaluer, d'évaluer aussi où peut bien terminer le bas côté tout en évitant un nid de poule et un dos d'âne en enfilade, découvrant soudain qu'on doit être en train de rouler à droite à en juger par le fait que la voiture en sens inverse nous fonce directement dessus à moins que ce soit elle, qui roule à droite. Pas de bande signalétique, pas de lumière, juste du noir bien épais et des gouttes dans les phares. On s'arrête sur le bord, on attend. On fait des signes et des bruits, je suppose qu'on exprime qu'il est tard, qu'il pleut beaucoup, que l'entretien de la voirie, qu'on a pas envie d'attendre. On a sans doute une conversation passionnante, lui en swahili, moi en anglais.
Et puis on a plus rien à dire et marre d'attendre, alors on fait comme s'il pleuvait moins et on repart à 15 km/h en supposant que tant que ça brille devant, c'est bien du tarmac. Je me dis qu'il va se retaper le même chemin en sens inverse, pendant que moi je ferai couler un bain en ricanant sur la brochure d'un lodge (« Le plus nouveau lodge de luxe de Tanzanie » sic) avant d'en faire du papier pour le feu.
Le chauffeur de taxi, je lui ai donné 7 dollars. A priori normalement c'était 4 mais la pluie, la nuit, la peur... Vachement généreuse, non ? Il regarde les billets l'air... cet air je le connais de mieux en mieux. Un mélange de candeur désemparée, d'incrédulité fataliste. Cet air qui me rappelle sans doute quelqu'un raison pour laquelle je me mets à bouillir. Et il me dit : 8 ? Si j'avais donné 4 il aurait demandé 5. Si tu veux de la bonne conscience, faudra payer plus cher, ma grande, lui claquer genre 20 dollars à la gueule et encore il est foutu d'en demander 25, juste parce que, si tu donnes le prix courant, tu te sentiras radine, et si tu donnes trop, ils te prendront pour une conne débarquée de Kilimanjaro airport. Je sors du taxi, rageuse, je souligne que 7 c'est vachement plus et que... bref. Il comprend rien de toute façon. Qu'il aille se faire foutre, dans la nuit, dans la pluie, dans les phares, le taxi.
Les solutions ne sont pas toujours rectilignes.
Dixit l'accusé du jour dont je relis un bout d'interrogatoire en insérant des virgules ici et là. En peignoir au coin du feu.
T'as raison. Les solutions sont pas toujours rectilignes. Et puis cette histoire je ne sais plus qui m'en parlait, du voilier, de la ligne de fond et de la ligne de surface, on dirait que je suis un bateau, mais alors bien ivre, égaré de sa flache parisienne de bonne conscience à distance sur l'océan indien, qui doit pourtant suivre une ligne de fond, qui doit bien aller quelque part passant nécessairement par ici adaptant sa ligne de surface à des courants face auxquels t'as aucun choix sinon celui de plier. Ce n'est pas grave tout ça. Le bois s'éteint dans le feu. Il pleut dehors. Je vais dormir.

1 Comments:
Laissez-moi disparaître tranquille et dormir. J'en ai juste marre, marre, marre, et c'est le genre d'affliction qui fait pas des entrées de blog bandantes.
Pardon.
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