Les aventures de Mzungu Dollar

Une esthétique tropicale de l'utilité sociale

07 novembre 2006

A day... comment j'ai frôlé la mort (23h-6h30)

Décidée à garder pour moi le piment des notations érotiques qu'on ne cesse de me réclamer dans l'hémisphère Nord, thanatos fera aussi bien l'affaire pour les frissons. Je crois.

J'aurais pu me faire bouffer par une hyène. Mort authentique. Quant à crever dans un pays du tiers-monde, autant y mettre un peu de couleur locale. Les hyènes parfois je les entends gueuler la nuit pas loin de chez moi. Les clébards tentent de répliquer, mais côté terreur, ils font franchement pas le poids.

Or finalement, je me demande si les plus grands risques vitaux ici ne sont pas liés à la reproduction artificielle du mode de vie métropolitain. Par exemple, je pourrais m'assommer sur le rebord de ma piscine et m'y noyer. Ca a d'ailleurs failli se produire, alors que je rêvassais, m'oubliant en dos crawlé à quelque revanche sociale ou intellectuelle bien mesquine. J'ai survécu. Mais dans le genre, j'ai beaucoup mieux.

Cette nuit, vers deux heures, la pluie tombait ambiance mousson (la petite saison des pluies vient de commencer), je me suis réveillée en sursaut, et quelque chose n'allait pas, mais alors, vraiment pas. Vous dire quoi et comment je ne sais pas, je me réveille rarement la nuit avec la sensation que si je ne fais rien ça va aller très mal pour moi. Alors je me lève et je descends pour voir ce qui se passe au rez-de-chaussée. Arrivée en bas de l'escalier, tout avait l'air parfaitement normal, sinon que j'avais les pieds mouillés. Mince, l'eau de pluie passe sous la porte. Evidemment, j'ai pas de serpillère, parce que si serpillères il y a elles sont forcément dans l'office fermé à clé avec la lessive et le fer à repasser. Je recule, je descends les trois marches supplémentaires qui mènent de l'entrée en mezzanine au salon. Flaque d'eau. Enorme flaque d'eau. Bloc multiprises dans flaque d'eau. Ordinateur en charge branché à bloc multiprises mouillé. J'ai toujours les pieds dans l'eau. J'ai beau être en demi sommeil dans mon alarme, il est soudain flagrant que c'est la merde, là. Je me rue vers la prise murale et je la switch off (dans l'incurie électrique régnant ici, au moins ça de positif, chaque bloc de prise est doté d'un interrupteur). Bon. Je sors le bloc multiprise de l'eau, je débranche l'ordinateur, c'est toujours ça de sauvé et moi avec.

Sauf que ça va toujours pas.

Je poursuis mon inspection. Dans la cuisine je découvre que la lumière de la cour intérieure est restée allumée. Je me dirige vers l'interrupteur, je pose le doigt dessus. Je me crame l'index (je me crame vraiment l'index, le plastique est presque MOU). Ca bourdonne bizarre dans l'interrupteur. J'éteins la lumière de la cuisine et dans l'obscurité je constate que 1) j'ai très mal au doigt et 2) il y a des étincelles à l'intérieur du bloc. Je me dis bon, on arrête les conneries, je vais éteindre le disjoncteur, comme ça je peux roupiller tranquille. Je pars en quête du disjoncteur, doit forcément y en avoir un quelque part. Effectivement, il y en a un 2 mètres au dessus de l'escalier, parfaitement inaccessible à l'humain moyen et encore moins à une naine genre Mzungu Dollar. Evidemment, trouver un balai il faudrait avoir les clés de l'office que j'ai pas qui doit contenir ça avec le fer à repasser et la serpillère, etc. Stop. Bon, je retourne dans la cuisine, je dégote une longue cuillère en bois, je monte sur la rampe d'escalier à peu près parfaitement réveillée maintenant, je pousse le bouton du disjoncteur. Youpi. Je suis dans l'obscurité totale en Afrique de l'Est sur une rampe d'escalier une cuillère en bois à la main. Je redescends sans me péter une jambe, j'arrive dans la cuisine, plus de lumière nulle part SAUF dans la cour intérieure.

Alors de deux choses l'une : soit la lumière de la cour intérieure ne dépend pas du disjoncteur, ce qui n'est pas très logique puisque la lampe extérieure de l'entrée, elle, en dépend. Soit par un de ces miracles technologiques tanzaniens auxquels je m'habitue jour après jour, la lampe dépend bien de mon compte électrique, mais couper le disjoncteur ne l'empêche pas de fonctionner (je sais bien qu'il va y avoir des ingénieurs en centrales électriques et autres tuyauteries hydrAUliques qui vont m'expliquer que ce n'est rationnellement pas possible, mais je leur répondrai simplement : en Tanzanie, tout est rationnellement impossible). Je rampe dans le noir sous le disjoncteur, trop facile de trouver un disjoncteur à deux mètres de hauteur à l'aveugle penchée sur une rampe une cuillère en bois à la main. J'ai réussi, ce qui n'est pas un maigre exploit. J'ai laissé la lumière extérieure allumée. Et je me suis levée toute les demi-heures pour aller voir si des fois la maison n'était pas en train de cramer.

Ma conclusion : en Tanzanie, mieux vaut faire comme le local moyen et ne pas avoir l'électricité. Déjà, ils sont pas très doués pour la produire (les barrages hydrOélectriques sont à moitié vides et remplis de vase parce qu'il y a pas assez de pluie ni d'argent pour les nettoyer), ils sont pas plus doués pour l'importer (le super générateur acheté par le gouvernement a terminé coulé dans l'océan indien), et ils sont absolument incapables de gérer correctement un réseau électrique (s'habituer à l'idée que régulièrement, au mieux, les surcharges vont bousiller tous tes appareils électriques, des ampoules au frigo en passant par ton PC. Qu'au pire ta maison va cramer, et vu l'inexistence de tout service public viable, il en restera pas grand chose. Que Tanesco comme Cupidon s'en fout. S'habituer à l'idée qu'ici les "techniciens" Tanesco sont foutus d'installer un pylone sans y mettre le neutre — authentique) .

Parfait.

On reprend donc ma petite vie d'éditrice à 6h30, déjeunant les pieds dans l'eau. Au moins pendant la journée je ne risque rien, l'electricité est coupée pour tout le monde. Il parait qu'on va avoir un black-out total susceptible de durer plusieurs semaines. Je l'attends maintenant avec impatience.

4 Comments:

At mercredi, novembre 08, 2006 7:50:00 AM, Blogger JSML said...

Non, je les entends dans la nuit; elles restent invisibles. L'autre jour on marchait dans les collines et le guide a stoppé net au milieu du chemin comme quoi on va pas plus loin parce que plus loin y'a des hyènes et il avait pas l'air de déconner. Bon. Alors adopter une hyène...

 
At mercredi, novembre 08, 2006 1:38:00 PM, Blogger JSML said...

Platypus : ton érudition instantanée me mesmérise... on comprend tout de suite que l'éducation de la descendance va pas sentir le cramé.

Peter : Peter...

 
At vendredi, novembre 17, 2006 1:46:00 PM, Anonymous Anonyme said...

C'est avec un peu de retard mais je me pose la question suivante: elle est toujours coupée l'électricité??
Ce n'est pas drole...
J'ai du mal à y croire mais on n'a pas des nouvelles depuis longtemps.
Et puis je ne peux pas resister à l'image d'un endroit qui n'a pas de lumière artificielle pendant des journées...intervalle obligatoire de durée inconnue...ca me fait penser

 
At mardi, décembre 26, 2006 11:06:00 PM, Blogger JSML said...

Cher Ibiza,

Oui, c'est difficile à imaginer j'en doute pas. C'est un truc bizarre, ça s'appelle le tiers monde. Et parfois l'électricité disparait pendant des jours. Ou pas. C'est imprévisible. Heureusement y'a la bougie. Et le sommeil. A vrai dire à force on finit par plus vraiment y faire attention. Parfois même y'a l'électricité et on est tout surpris. Tiens ! Ca alors, y'a l'électricité ! Après tout on en a pas tant besoin que ça quand on n'est pas une usine ou un frigo, de l'électricité. Ya des tas de choses intéressantes qu'on peut tout à fait faire dans l'obscurité et sans playstation.

 

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