Les aventures de Mzungu Dollar

Une esthétique tropicale de l'utilité sociale

30 octobre 2006

Administration territoriale

Mettant de côté quelques instants l'unilatéralisme qui caractérise ma production bloggesque, sacrifions un peu aux sirènes de l'interactivité.

L'état-civil rwandais, puisqu'il en était question dans un commentaire, qu'en est-il ?

L'état-civil rwandais, c'est une affaire très classée. Peut-être parce que les Allemands puis les Belges sont passés par là ? Depuis le début du vingtième, la carte d'identité est obligatoire, et indique ton ethnie (utile pour le colon en manque de main-d'oeuvre, car les Hutus étaient corvéables et les Tutsis ne l'étaient pas). La décolonisation n'a pas modifié cette pratique, puisque dans la logique de reprise en main du pays par les Hutus (au pouvoir de 1959 à la mort de Juvénal Habyarimana en 1993), les Tutsis n'avaient accès qu'à un pourcentage fixe des postes importants (enseignement, administration... une sorte de discrimination négative), et qu'il fallait donc pouvoir vérifier les identités avec célérité.

Autre héritage de la colonisation : le découpage administratif. On trouve difficilement plus quadrillé que le Rwanda (en passant, un pays minuscule, un confetti des grands lacs avec le Burundi et l'Ouganda). le territoire est divisé en 12 préfectures (depuis 2000, on parle de "provinces"), subdivisées en communes (redécoupées aujourd'hui sous le nom de "districts") elles-mêmes sectionnées en secteurs et en cellules (la plus petite unité administrative, à ma connaissance il y en a plus de 8000, et c'est à leur niveau que sont établies les juridictions Gacaca, ces tribunaux populaires locaux chargés de juger la multitude de "petites mains" du génocide).

La population a donc toujours été étroitement contrôlée, à tel point qu'il fallait demander une autorisation pour te déplacer hors de ta cellule administrative. Il n'est donc pas trop difficile de recenser les morts du génocide. Il l'est beaucoup plus de déterminer qui a trucidé qui, c'est là où les Gacaca interviennent...

A la base, les gacacas ont été instituées pour désengorger la filière judiciaire normale. Mais la politique de repentance et de dénonciation qui a cours actuellement produit l'effet inverse : les gens s'accusent et se dénoncent les uns les autres à qui mieux mieux, à tel point que plus les Gacacas jugent de gens, plus il y en a à inculper et à juger. Effet pervers : quelque chose comme les deux tiers de la population sont susceptibles d'être jugés, sont fichés par l'administration et... je vous laisse imaginer ce qu'une telle épée de Damoclès peut constituer comme outil de contrôle politique et social.

J'espère vous avoir fait un peu rêver.