Les aventures de Mzungu Dollar

Une esthétique tropicale de l'utilité sociale

15 juin 2007

Mzungu Dollar en milieu rural

la suite incohérente de ce qui précède
dans le désert rural

02 février 2007

Truisme en bouquet final

Ne serait-ce que par correction à l'égard de mes milliards de lecteurs anonymes, soit ceux qui n'ont pas la chance insigne de suivre pas à pas dans mon entourage les péripéties joies et déboires de mon existence sociale et intime, ce jour me parait particulièrement bien choisi pour l'annoncer à tous ceux qui ne l'auraient pas compris : les aventures de Mzungu Dollar, c'est fini. Ce jour (on est quel jour?)... ce jour vendredi 2 février 2007, crémation de Mzungu Dollar dans un web bar verglacé. Paris l'a résolument tueR.

"Même la richesse relative n'aplanit pas la médiocrité" en guise d'épitaphe. Ni fleurs ni couronnes. Et ses amalgames partiront en fumée.

La poussière résidu se tape un roman, imbitable comme il se doit, car même en cendres il y a encore mon honneur. Et très certainement, un petit nombre de gens choisis en subiront les épreuves Word.

Moritura vos salutat (d'émotion, j'en perds mon petit latin)

20 décembre 2006

Paris froidement pensé

Je crois que je suis toute pourrie et le froid continue à me mordre les doigts avec constance c'est un chien enragé. Et puis j'ai très très peur j'ai inventé une théorie désespérante selon laquelle la formulation individuelle du bonheur n'a rien à voir avec nos désirs mais uniquement avec notre instinct de survie. Selon cette puissante théorie, où que tu mettes un être humain, il fera en sorte d'y trouver du bonheur sinon la vie est invivable. Le problème c'est quand tu passes le même être humain d'un endroit à l'autre. Obligé de reformuler sa conception du bonheur, de la réadapter à son environnement, il voit bien l'artifice, que ça n'a rien à voir avec toutes ces conneries du Moi profond, de la Réalisation de soi en Super Individu.

Un exemple au hasard : Super Individu, tu le mets sur le pavé parisien, il déteste ça. Mais au fur et à mesure, il s'habitue et il parvient même à se convaincre qu'il aime bien, il s'y trouve des ambitions à la mesure de sa petite vie (ne la jugeons pas). Les trottoirs deviennent des falaises où on chope le vertige, Paris-Plage un océan. On finit par attraper des ambitions comme ailleurs des dérangements intestinaux. Des ambitions vénériennes de salon parisien. Avec des gens très très bien qui parlent de philosophie. Par exemple. Où de n'importe quoi de cliquant. Attention, hein, je ne critique pas. C'est bien. C'est bien mais c'est désespérant. Puisque mon cerveau sait ce qu'il fait je sais pas comment mais j'aimerais suivre débusquer tous les courts-circuits émotionnels qu'il provoque pour en arriver à ce résultat, te faire aimer la merde que les circonstances mettent sur la table.

A Paris, Mzungu Dollar fait des variations sur la Théorie des climats et boit trop le soir.

12 décembre 2006

J - 4 : Diamonds may NOT be forever

La Nouvelle économie politique appariée à mon statut aurait dû de facto entraîner l'élaboration d'un solide plan quinquénal. Mais Gloire à Mungu (Dieu en swahili, à ne pas confondre avec mzungu, le Blanc, les colonies c'est fini) Glory to God qui nous tient tous à sa merci dans sa main fatale, mon destin devrait continuer à se jouer aux dés sur des périodes de 15 jours. Le contraire m'eût sans doute perturbée ; tout va donc pour le mieux dans le meilleur des eldorados possibles, je rentre en France sans savoir encore à quelle sauce professionnelle je serai mangée en janvier.

Regrettable, moi qui commençais à m'intégrer à tous égards. Capable enfin d'appeler mon chauffeur sans culpabiliser parce qu'il aurait sans doute mieux à faire, un dimanche matin, que balader Mzungu French Doll dans les hotels de luxe. Au fait du taux des pourboires, du prix maximum d'une paire de sandales (12 000 shillings, au-delà c'est du vol, même si le vendeur vous explique un peu hautain que les semelles sont en caoutchouc waterproof). Moi qui bois du Fanta Pineapple avec du popcorn dans un township tout un après-midi pour l'anniversaire de la fille de ma maid. Sans compter la vie sexuelle des lodgesTM.

Retrouver Paris (comme dirait mais comment s'appelle-t-il déjà, ce grand écrivain des Abbesses... Nicolas Rey, voilà : « Paris : une ville
magnifique. » (Courir à 30 ans, p. 1, d'après mémoire). Y rester, on ne sait toujours pas encore parce qu'ici, les certitudes c'est anytime from now, maybe, keisho ou badai. Un jour, plus tard, demain. Pole pole. Patientez ça vous fera pas de mal.

Je suis patience ongle incarné.

À dimanche.

04 décembre 2006

La vie sexuelle des lodges

Je n'en parlerai toujours pas, qu'est-ce que vous croyez, de la vie sexuelle des lodges, mais l'enquête est sur de très bons rails, c'est tout ce que m'autorise mon code de déontologie.

Je peux par contre m'étendre sans risques sur le beaujolais 2006. Le beaujolais 2006, aussi médiocre que le 2005 que je n'avais pas goûté car jamais sinon en zone équatoriale il ne me serait venu à l'idée de célébrer l'embouteillage de cette piquette franco-australe, le beaujolais 2006, donc (pourquoi pas Beaujolais avec une capitale, allez, ne soyons pas mesquine) s'est accompagné d'un inoubliable spectacle de mime. C'était vraiment très drôle. Par exemple, le mime disait « sarkozy » (en bas-de-casse, parce que c'est plus un nom, c'est un concept) et ça faisait rire tout le monde. Comme une sorte de gimmick, « sarkozy », même au New Arusha Hotel, Arusha, Tanzanie. Ce mime parlait d'ailleurs beaucoup, ce qui n'était pas la moindre de ses qualités.

Vous dire comme on s'est bien marré.

Moi par exemple, les yeux rivés sur l'enceinte géante qui m'obstruait à dessein le champ de vision, j'en pouvais plus de m'esclaffer dans mon ballon de beaujolpif tiédissant, rotant joyeusement mes relents de Brillat-Savarin et autre sauciflard tranché véhiculé (avec une subvention de l'AFAA ?) dans la soute d'un avion à l'aller plein de fleurs coupées (on dira, dans les Grands Lacs, hein, vaut mieux qu'ils échangent des fleurs contre du camembert que des perches du Nil contre des Lee-Enfield et des Mauser. Ils auront pas moins faim mais ça les tuera pas. Pourquoi pas. Pourquoi pas. Je crawle en plein relativisme moral ces temps-ci, je vais pas non plus me formaliser pour trois bouts de fromage que j'ai d'ailleurs mangé avec plaisir). Non, mais y'a pas à dire, la culture française, « la culture française... » comme m'a dit ce jeune Flamand qui m'a fait beaucoup rire (j'ai vraiment beaucoup ri) .

La culture française. Ç'aurait dû être l'intitulé de cette entrée. Mais l'utilitarisme éditorial aura encore frappé.

23 novembre 2006

A day in the colonial life of... (18h-23h)

La tranche 13h-17h59, allez savoir pourquoi, j'ai moins envie. Ellipsons. Le soleil se couche, je remonte dans mon taxi, s'il reste quelques traces de lumière, je flotte un moment dans cette piscine dont il faut bien qu'elle serve à quelque chose, je fais couler un bain, entre deux eaux je lis je bois du jus d'ananas dans quoi je dilue le contenu d'un fruit de la passion. J'essaie de mâcher les petites graines de la pulpe du maracuja en tournant les pages avec les doigts humides, c'est beaucoup d'efforts. J'ai déjà fini mon Chloé Delaume. Je commence Au dessous du volcan.

Ou je mange dehors. Je mange au restaurant indien, par exemple. Réellipsons. Après il est très tard, au moins 22 heures, je peine à trouver un taxi parce qu'ici c'est le milieu de la nuit, ils me répondent pas puis finalement l'un d'eux m'assure qu'il m'envoie quelqu'un, je sais bien que Mzungu Doll elle abuse, 22 heures, on est tout de même bien avancé « dans la noirceur » pour parler comme un avocat québéquois. D'autant que l'éclairage public... Non, soyons juste, l'éclairage public existe, autour du tribunal et autour du rond-point de Clocktower. C'est toujours un peu surprenant d'ailleurs. D'y voir dans l'obscurité, on avait oublié que c'était possible. On remonte la Old Moshi Road, on arrive à Clocktower, et chaque fois, oui, je m'enchante d'y voir à 10 mètres. Il n'y a rien à voir. À 22 heures les locaux sont couchés depuis longtemps. Ou ils sont au Colobus. Mais le Colobus, j'irai pas.

La pluie s'écrase sur le toît de la voiture, on ne voit plus rien. Plus de route. Juste les phares des voitures qui s'approchent, que le chauffeur tente d'évaluer, d'évaluer aussi où peut bien terminer le bas côté tout en évitant un nid de poule et un dos d'âne en enfilade, découvrant soudain qu'on doit être en train de rouler à droite à en juger par le fait que la voiture en sens inverse nous fonce directement dessus à moins que ce soit elle, qui roule à droite. Pas de bande signalétique, pas de lumière, juste du noir bien épais et des gouttes dans les phares. On s'arrête sur le bord, on attend. On fait des signes et des bruits, je suppose qu'on exprime qu'il est tard, qu'il pleut beaucoup, que l'entretien de la voirie, qu'on a pas envie d'attendre. On a sans doute une conversation passionnante, lui en swahili, moi en anglais.

Et puis on a plus rien à dire et marre d'attendre, alors on fait comme s'il pleuvait moins et on repart à 15 km/h en supposant que tant que ça brille devant, c'est bien du tarmac. Je me dis qu'il va se retaper le même chemin en sens inverse, pendant que moi je ferai couler un bain en ricanant sur la brochure d'un lodge (« Le plus nouveau lodge de luxe de Tanzanie » sic) avant d'en faire du papier pour le feu.

Le chauffeur de taxi, je lui ai donné 7 dollars. A priori normalement c'était 4 mais la pluie, la nuit, la peur... Vachement généreuse, non ? Il regarde les billets l'air... cet air je le connais de mieux en mieux. Un mélange de candeur désemparée, d'incrédulité fataliste. Cet air qui me rappelle sans doute quelqu'un raison pour laquelle je me mets à bouillir. Et il me dit : 8 ? Si j'avais donné 4 il aurait demandé 5. Si tu veux de la bonne conscience, faudra payer plus cher, ma grande, lui claquer genre 20 dollars à la gueule et encore il est foutu d'en demander 25, juste parce que, si tu donnes le prix courant, tu te sentiras radine, et si tu donnes trop, ils te prendront pour une conne débarquée de Kilimanjaro airport. Je sors du taxi, rageuse, je souligne que 7 c'est vachement plus et que... bref. Il comprend rien de toute façon. Qu'il aille se faire foutre, dans la nuit, dans la pluie, dans les phares, le taxi.

Les solutions ne sont pas toujours rectilignes.

Dixit l'accusé du jour dont je relis un bout d'interrogatoire en insérant des virgules ici et là. En peignoir au coin du feu.

T'as raison. Les solutions sont pas toujours rectilignes. Et puis cette histoire je ne sais plus qui m'en parlait, du voilier, de la ligne de fond et de la ligne de surface, on dirait que je suis un bateau, mais alors bien ivre, égaré de sa flache parisienne de bonne conscience à distance sur l'océan indien, qui doit pourtant suivre une ligne de fond, qui doit bien aller quelque part passant nécessairement par ici adaptant sa ligne de surface à des courants face auxquels t'as aucun choix sinon celui de plier. Ce n'est pas grave tout ça. Le bois s'éteint dans le feu. Il pleut dehors. Je vais dormir.

20 novembre 2006

Comment je n'ai rien frôlé du tout (tout le temps)

Je n'ai pas le temps alors bon. Le choléra est à Arusha, Chloé Delaume est enfin arrivée toute pimpante en 167 pages par avion et je constate que les éditions Verticales ont retrouvé leur maquette de couverture d'avant Phase Deux (c'est-à-dire avant que Le Seuil rejoigne l'édition française bombardée du ciel dans le giron de l'industrieux rentabilisateur La Martinière) ce qui m'a fait plaisir parce que j'aimais pas du tout la police de caractère de Verticales Phase Deux et qu'il est agréable de s'arrêter sur des trivia de ce genre à Arusha, Tanzanie, 300 000 habitants et 10 routes asphaltées où réside depuis 10 jours le choléra que je n'ai pas encore croisé parce que plus souvent vautrée sur les transats des lodges qu'arpentant les arrières-cours des slums. Caillassez-moi, j'aime ça.

Ce week-end grand événement culturel français à Arusha : DJ Oil (ou Oïl?) de Marseille au Massaï Camp. Je n'y étais pas. Je me souviens d'une époque ou je regrettais de ne pas savoir de quoi je parlais quand je pérorais de séminaire en soutenance sur l'action culturelle francophone. Je ne veux plus savoir tout court.

La Chloé pendant ma pause déjeuner me parlait de Le Lay et de neuro-imagerie, de cerveau reptilien, de connexions neuronales. Tout ce que j'aime, en quelques sortes. Avec force agglutinations syntagmatiques outrées. Parfois en toute modestie on dirait du Moi mais qui connaitrait beaucoup mieux les entrées du Robert et qui s'en foutrait encore plus que cette quantité négligeable qu'on appelle un lecteur y percute quoi que ce soit.

Et j'insiste, c'est bon d'angoisser sur les errements du style delaumien ou les empattements d'une police de caractère. Comme quand je lis Marie France de février 2006 ou Le Nouvel Obs supplément spécial foire au vin daté septembre 2005 pour la troisième fois, juste parce qu'il traîne sur la table basse, coïncidence abandonnée par un locataire précédent et fatal.

À part chez un dentiste de province, une urgence pendant les vacances, ça vous arrive souvent de lire de la presse de plus d'un an ?

Vivre ici, parfois, c'est se faire archéologue de la vie culturelle (sic) occidentale (ou bouffer dans ses poubelles) et par là accéder à une forme très subtile d'éternité, de pérennité à vide. Je me comprends.

Tout ça pour conclure — c'est un peu là où je voulais en venir mais surtout pas logiquement — que souhaitant rester fossile dans l'inactuel, j'y serai encore en mars 2007. Champagne — détaxé !